Depuis quelques années mûrissait l’envie de relire de la High Fantasy. Je n’avais pas accroché au Trône de Fer après avoir vu quelques épisodes des premières saisons, mais cela avait au moins semé durablement une envie plus générale. À dire vrai, après l’exploration assidue de la Terre du Milieu entre le collège et le lycée, je m’étais contenté uniquement de bandes dessinées et films dans le genre. En fait j’avais peur de me plonger dans un raté et d’en revenir durablement déçu de tout un rayon de littérature.
Sur recommandation comme reprise prudente, j’ai donc attaqué “la Belgariade” peu avant le confinement, qui a aidé à finir ce cycle de David Eddings (mais avec l’aide de sa femme) plus vite que prévu. Ou comment un jeune garçon de ferme, suivant le schéma classique, va devoir partir à la découverte de son monde dans une quête destinée à le transformer pour le sauver. En profondeur, c’est surtout l’histoire du passage de l’enfance à l’âge adulte, non seulement pour le héros central mais pour un grand nombre de personnages secondaires autour de lui. Cela se ressent même dans l’évolution stylistique d’un volume à l’autre : l’affaire démarre comme un roman tranquille pour adolescents, puis suit un schéma linéaire où le mal et la magie prennent peu à peu place, s’ajoutent aussi des personnages qui restent très stables une fois la première impression faite. La narration et les comportements vont légèrement se complexifier au dernier volume, par nécessité.
On aurait beau croire, ce monde imaginaire conserve une mentalité américaine. La géographie est vaste mais assez simple, tout le monde est monolingue à part quelques peuplades exotiques, pas de races humanoïdes non humaines, les créatures originales sont toujours de grosses méchantes qui font peur, l’or et le business sont des passions… Mais un humour constant bien anglo-saxon fait passer tout ça et compense même partiellement le fait qu’Eddings n’a pas la finesse poétique du maître d’Oxford.
Sous ce vernis d’impertinences mesurées, toute l’histoire demeure très morale et on en vient à craindre rapidement que cette lutte entre bons et méchants bien répartis n’aboutisse à une happy end totale destinée à tous les âges et tous les milieux. La puissance de certaines scènes et la justesse de certaines émotions (notamment chez les personnages féminins, grâce aux conseils de Mme Eddings) nous garde quand même de toute mièvrerie. Et l’on se surprend à s’attacher à tous ces personnages.
La nature pédagogique de cette oeuvre lui procure ce fond qui fait les grands classiques universels, au-delà de ses limites. Elle peut toucher ainsi n’importe quel lecteur, amené à retrouver une expérience humaine fondamentale en compagnie de personnages imaginaires dans un monde qui n’existe pas. On comprend pourquoi la Belgariade est souvent cité parmi tous les classiques pour initier de jeunes lecteurs au genre. Je ne pense pas me jeter dès demain sur le cycle qui y fait suite (« La Mallorée »), mais celui-ci était effectivement une valeur simple et sûre remplissant les fondamentaux d’un bon roman.